Le Conseil d'Etat consacre le contre pied de sa jurisprudence traditionnelle sur les erreurs commises dans l'avis de publicité...
Faire une erreur n'est plus une erreur !
Quiconque aurait oublié de consulter la jurisprudence du Conseil d'Etat des douze derniers mois et serait ancré dans des certitudes pourrait tomber de très très haut.
En effet et pour mémoire, le Conseil d'Etat d'août 2008 façonnait les esprits des responsables marchés publics en insuflant la hantise de l'erreur contenue dans l'avis de publicité d'un marché public. Ce dernier représentait le principal fondement de la plupart des recours en annulation des procédures de marché. A titre d'exemple rappelons que la haute juridiction annulait une procédure au motif que le pouvoir adjudicateur avait coché "marché public" au lieu "d'accord cadre" lorsqu'elle lançait un marché public à bons de commande (CE, n° 309136,8 août 2008, Commune de Nanterre ). Ne revenons pas non plus sur les décisions relatives à l'accord sur les marchés publics et les anxieuses hésitations : soumis, pas soumis, "je ne mets rien" qui ne souffraient d'aucune explication plausible.
Aujourd'hui tout cela est REVOLU ! Le Conseil d'Etat a amorcé une (r)évolution analytique du contenu de l'avis de publicité et de ses conséquences. La désormais célèbre jurisprudence SMIRGEOME du 3 octobre 2008 (n°305420) parue, par erreur en juillet 2008, puis retirée et enfin publiée en octobre 2008 a consacré un nouvel angle d'attaque : il faut désormais : "rechercher si cette irrégularité, à la supposer établie, était susceptible d'avoir lésé ou risquait de léser la société " requérante.
Tout est dit : plus d'annulation formelle, c'est du droit des contrats dont il s'agit et l'avis n'en est pas l'élément substantiel. Le premier principe de la commande publique n'est-il pas l'égalité de traitement des candidats ? Un requérant ayant un intérêt à agir ne peut plus se contenter d'une simple erreur formelle pour faire tomber le contrat, il doit justifier avoir été lésé par cette irrégularité : le juge lui renvoie la charge de la preuve...
Envers et contre tout, le contrat survivra
Nous y sommes enfin : le juge administratif n'est plus implacable et dénué de tolérance, il s'adapte, mesure les enjeux et accède enfin à la requête plaintive des acheteurs : comment fait-on si nos marchés sont annulés ?
Dans un arrêt du 22 juillet 2009, n°314258, Commune de Nice, le Conseil d'État a refusé d'annuler un marché alors même que de nombreuses irrégularités avaient été invoquées par la société requérante : le Conseil d'Etat rejette la demande d'annulation au motif que l'entreprise requérante a été admise à présenter une offre et qu'elle ne pouvait s'estimer lésée par les erreurs commises dans l'avis de publicité.
Il semble désormais que le Conseil d'Etat ferme la porte aux simples recours de forme dont le seul but est de contraindre le pouvoir adjudicateur à relancer une procédure lorsque l'on a pas été retenu. La règle pourrait donc la suivante : si je soumissionne malgré les erreurs j'accepte ces dernières et je ne saurais m'en prévaloir par la voie du référé précontractuel.
" (...) il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante, dont la candidature a été admise et qui a présenté une offre correspondant à l'objet du marché, soit susceptible d'avoir été ou d'être lésée par les irrégularités qu'elles invoque, à supposer celles-ci établies ; qu'elle ne saurait ainsi se prévaloir, à l'appui de son recours, des manquements précités ; que dès lors ses conclusions visant l'annulation de la procédure de passation du marché litigieux doivent être rejetées ;(...)"