La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (1) avait prévu l'assouplissement de certaines formalités imposées en cas de détachement de salariés par des employeurs étrangers en France. Un décret (2) et un arrêté du 4 juin dernier (3) fixent les conditions permettant de bénéficier de ces assouplissements.
Le principe de déclaration préalable de détachement
Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement (article L.1262-1 du Code du travail).
Le détachement est réalisé :
- Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;
- Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe ;
- Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.
Le contrôle des entreprises étrangères qui détachent des salariés en France s'est largement accru depuis 2014, afin de lutter contre le " dumping social ". Plusieurs formalités, essentiellement déclaratives, ont été instituées. Avant le début de la prestation, l'employeur étranger doit ainsi transmettre une déclaration préalable de détachement à la Direccte du lieu où s'effectue la prestation. En outre, l'entreprise étrangère doit désigner un représentant de l'entreprise sur le territoire français, chargé d'accomplir ses obligations et d'assurer la liaison avec les agents de contrôle (articles L.1262-2-1 du Code du travail).
Le contenu de la déclaration préalable de détachement est simplifié
A partir du 1er juillet 2019, le contenu de la déclaration préalable de détachement est modifié. Le décret ajoute la précision du sexe des salariés détachés et indique que la notion de rémunération mentionnée dans la déclaration correspond au taux horaire appliqué durant le détachement. Parallèlement, il assouplit les mentions obligatoires liées à l'identification du donneur d'ordre (articles R. 1263-3, R. 1263-4 et R. 1263-6 du Code du travail).
Le décret intègre par ailleurs dans la déclaration de détachement elle-même la désignation par l'employeur d'un représentant en France. Cette désignation ne doit donc plus faire l'objet d'un document écrit spécifique. La déclaration de détachement devra notamment indiquer les coordonnées électroniques et téléphoniques du représentant ainsi que le lieu de conservation des documents liés au détachement.
La dispense de déclaration préalable en cas de détachement " pour compte propre "
La loi " avenir professionnel " avait entamé un allègement des formalités déclaratives, excessivement lourdes dans certains cas. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France a ainsi été supprimée pour les employeurs étrangers qui détachent des salariés pour leur propre compte (article L 1262-2-1 du Code du travail modifié par l'article 91 de la loi Avenir professionnel).
Il s'agit notamment des entreprises étrangères qui envoient un ou plusieurs de leurs salariés en France pour démarcher des nouveaux marchés, assurer le suivi de relations de production ou assister à des réunions de travail.
Cette dispense est applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi avenir (septembre 2018).
La dispense de déclaration pour les détachements de courte durée
Le nouvel article L. 1262-6 du Code du travail créé par l'article 89 de la loi " Avenir professionnel " prévoit par ailleurs que les employeurs détachant un ou plusieurs salariés pour des prestations et opérations de courte durée ou dans le cadre d’événements ponctuels, pour certaines activités, sont dispensés de ces deux obligations (déclaration préalable de détachement et désignation d'un représentant en France).
L'arrêté du 4 juin fixe les activités concernées par la dispense (sachant que les entreprises de travail temporaire et les agences de mannequins ne sont pas concernées) et précise, pour chaque activité identifiée, la durée maximale d'activité en France sur une période de référence.
Les salariés pour lesquels il n'est pas nécessaire d'établir une déclaration préalable de détachement ni de désigner un représentant de l'entreprise en France sont :
- les artistes (spectacle vivant, production et diffusion cinématographique et audiovisuelle, édition phonographique) dont la présence en France ne dépasse pas 90 jours sur 12 mois consécutifs ;
- les sportifs, arbitres, membres de l'équipe d'encadrement des sportifs, délégués officiels rattachés à la pratique ou l'organisation dans le cadre de manifestations sportives, lorsque la durée de leur présence en France ne dépasse pas 90 jours sur 12 mois consécutifs ;
- les apprentis en mobilité temporaire en France dans le cadre de leur formation et dont la présence sur le territoire ne dépasse pas 12 mois consécutifs ;
- les organisateurs de colloques, séminaires et manifestations scientifiques ainsi que les professeurs et chercheurs invités qui dispensent des activités d'enseignement, dans la mesure où leur présence en France ne dépasse pas 12 mois consécutifs.
Cette dispense est applicable depuis le 6 juin 2019.
La dispense de déclaration pour les détachements récurrents ?
L'article 90 de la loi permet également aux entreprises détachant de manière récurrente des salariés de saisir la Direccte afin d'aménager ces formalités de déclaration de désignation d'une représentant (article L.1263-8 nouveau du Code du travail).
On attend encore un décret afin de déterminer les aménagements qui pourront être accordés. Ils ne pourront être consentis que pour un an maximum, si les entreprises demandeuses apportent à l'appui de leur demande des éléments attestant du respect de la réglementation applicable aux salariés détachés (le " socle minimal " : la durée du travail, jours fériés, congés annuels payés, salaire minimum, etc., article L.1262-4 du Code du travail). Le décret du 4 juin n'évoque pas cette possibilité de dispense.
La modification de l'obligation de vigilance du donneur d'ordre
Lorsque le détachement doit faire l'objet d'une déclaration préalable, le donneur d'ordre français doit s'assurer de l'accomplissement de ces formalités déclaratives par son cocontractant étranger. Depuis la loi " Avenir professionnel ", il est également chargé de vérifier que son prestataire étranger s'est bien acquitté de ses amendes, le cas échéant (article L. 1262-4-1 du Code du travail).
Le décret modifie au 1er juillet 2019 la liste des documents que doit demander le donneur d'ordre qui contracte avec un employeur établi hors de France. Avant le début de chaque détachement, il doit dorénavant obtenir l'accusé de réception de la déclaration de détachement effectuée via le télé-service "Sipsi" (et non plus une simple copie de cette déclaration). Il devra également obtenir une attestation sur l'honneur certifiant que le cocontractant s'est, le cas échéant, acquitté du paiement des sommes dues au titre des amendes liées au détachement de travailleurs (article R.1263-12 du Code du travail).
En revanche, le décret supprime de la liste des documents la copie de la désignation du représentant de l'employeur en France. Il ne sera plus nécessaire de demander ce document, puisque la désignation sera désormais intégrée à la déclaration préalable effectuée par l'employeur.
L'institution d'un délai de communication de documents en cas de contrôle
En principe, il est prévu que l'employeur établi hors de France conserve sur le lieu de travail du salarié détaché sur le territoire national (ou, en cas d'impossibilité matérielle, dans tout autre lieu accessible à son représentant), et présente sans délai, à la demande de l'inspection du travail du lieu où est accomplie la prestation, certains documents aux fins de vérifier les informations relatives aux salariés détachés, tels que leur autorisation de travail ou leurs bulletins de paie (article R.1263-1 du Code du travail).
Pour les salariés en détachement de courte durée bénéficiant de la dispense de déclaration préalable, l'employeur dispose d'un délai de 15 jours pour obtenir et tenir à la disposition de l'inspection du travail ces documents, traduits en français. Quant aux salariés en détachement pour compte propre bénéficiant également de la dispense, le principe de communication sans délai reste applicable. L'employeur ne dispose d'un délai de communication de 15 jours que pour certains de ces documents (Article R.1263-1-1 du Code du travail). Cette disposition est applicable depuis le 6 juin 2019.
(1) Loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, JO 6/9
(2) Décret n° 2019-555 du 4 juin 2019, JO 5/6
(3) Arrêté du 4 juin 2019, JO 5/6